La seule façon d’être fidèle au Temps, écrit Balthazar, est d’intercaler les réalités, car en chaque point du Temps les possibilités sont infinies dans leur multiplicité. Vivre c’est choisir. Perpétuellement réserver son jugement, perpétuellement choisir. Balthazar, Laurence Durell
C’est fini. Où est vraiment la fin ? Les appareils sont rangés, la valise est faite. Je quitte l’Écosse dans quelques jours. Heureux de rentrer mais tout de même triste de quitter cet état de grâce du travail et de la vie écossaise. Je me suis fait des amis, j’ai rencontré une communauté d’artistes et surtout, je me suis intégré à la vie de mon quartier, dans un quotidien.
La résidence a été un moment de grande productivité. Un moment où l’on est appelé au dépassement. Après le stress des premiers jours pour mettre le projet en marche et trouver des participants, je dois dire que je quitte avec le sentiment d’avoir accompli ce que je souhaitais. Il y aura eu des moments de doute, notamment sur le traitement des thèmes. Mais en tout 15 portraits – des paysages fabuleux – des images sur la rue – et de très belles rencontres. Si le pays a quelque chose de fascinant dans ses paysages grandioses, ce sont les gens qui sont le plus émouvant. C’est une vraie découverte. J’aurai vécu des moments de bonheur, seul, mais aussi avec des amis, des rencontres qui resteront gravées en moi.
Photo: Tom Astbury
Je dis fini, mais ce n’est pas vrai. Le travail continu. Il reste tout de même 2 expositions à monter de ce projet, l’une le 22 septembre ici à Glasgow ( à Street Level ), l’autre à Québec ( au centre VU ) le 26 octobre. Ce sera un bon travail de sélection pour distiller (en utilisant la métaphore écossaise du whisky) tout ce travail et que le rendu soit clair et stimulant.
Ce projet-ci est court et rapide. Après plusieurs projets personnels très longs (plus de 10 ans pour Le Capteur – 4 ans pour Dieppe), une expérience courte met en branle tous mes instincts créatifs et me dynamise dans le travail.
La sélection finale est un processus étrange qui fait intervenir les sensibilités graphiques, le sens du rythme et de la narration. Mais, pour moi, tout cela doit répondre à une écoute (oui, une écoute) attentive du dialogue entre les images. Associations sémantiques, tonales, chromatiques et formelles, les récits se forment de manière assez intuitive. Je cherche constamment à maintenir cette voix qui est la mienne. Il me faut éliminer tout exotisme et ne garder que des images qui soient énigmatiques. Puis, ramener le projet le plus proche possible de moi-même. Il n’y a aucune recette simple ou méthode facile pour arriver à un ensemble signifiant. Surtout, chaque image doit trouver sa place, son poids visuel dans la séquence, son équilibre et sa nécessité. Par-dessus tout, les images doivent demeurer des questions posées, des interrogations plus que des réponses. À cette étape du processus, je travaille avec de petites épreuves. Cela m’est important pour sortir de la captivité de l’écran et de travailler avec l’aspect physique et tangible des images afin de pouvoir manipuler les images librement. J’aime ce processus de distillation final même s’il est parfois difficile pour l’âme de l’artiste. C’est là où se trouve la véritable écriture photographique, le véritable geste de création, sur la table et au mur.
Farewell