N’allez pas a Glasgow

Voici l’ajout du français à mon entrée d’hier

 

N’allez pas à Glasgow !

C’est ce que tout le monde me disait alors que j’étais ici dans mon premier voyage à l’étranger. Je venais tout juste d’avoir vingt ans. Départ le 7ème jour, du 7ème mois de la 77ème année. Je voyageais seul avec un petit appareil photo et une grosse guitare. J’ai voyagé à travers l’Angleterre et l’Écosse durant 2 mois, évitant la ville de Glasgow qu’on me disait trop dure, trop dangereuse pour le jeune musicien / aspirant photographe que j’étais. Deux mois, sur le pouce, et en train à travers le pays.

Aujourd’hui, ce sont mes appareils-photo qui m’accompagnent et qui sont devenus ma raison de voyager. En tous cas, l’ultime raison de ce voyage. Comment ne pas me sentir complètement fou alors que je pars sans savoir ce que je vais photographier, sans savoir où je vais dormir. Je dois, comme toujours, voyager avec l’incertitude.

Je suis de retour en Écosse après 41 ans, dernier participant à cet échange nommé Ondes lumineuses entre le Centre Vu de Québec et Street Level Photoworks à Glasgow. Je cherche à faire des portraist de jeunes gens de 20 ans vivant en Écosse, à Glasgow. Je suis curieux de voir ce que cela veux dire que d’avoir 20 ans en ce moment en Écosse. À l’heure du Brexit et, à un moment où tant de jeunes cherche à définir leur identité, je me questionne sur ce que veut dire être de quelque part… En l’occurrence ici, ce que ça veut dire d’arriver en Écosse, de devenir écossais ou encore de migrer et quitter l’Écosse.

J’aurai vu l’Écosse à vingt ans et me voici à 61 ans devant la même solitude dans ce voyage, ou presque. Mais voilà, mes =souvenirs de l’Écosse se sont aussi les paysages spectaculaires. Je souhaite donc provoquer une rencontre entre la proximité des portraits et la distance des paysages. Pour moi cette façon de voir me rapprochera des idées sous-jacentes de cette résidence, l’appartenance et la migration.

Si je me questionne sur que c’est de venir de quelque part, c’est aussi parce ce que j’ai travaillé dans le passé autour de l’œuvre de Paul Strand ( qui a séjourné à la fois au Québec et dans les îles Hébrides de l’Écosse) et qui posait la question « qu’est-ce que le caractère essentiel d’un endroit? ».

Ainsi, à premier niveau, je me question sur cette notion du caractère essentiel d’un endroit, à travers les yeux des jeunes. À l’heure du Brexit, plusieurs doivent se poser la question de rester ou partir.

Et puis, il y a un second niveau: ma descendance écossaise. Je suis d’une famille mixte, comme bon nombre de québécois, avec un tiers français, un tiers irlandais et un tiers écossais. Je connais très peu de choses de cette descendance. Mes ancêtres Lindsay (du côté de ma mère) sont venus en Amérique, au Québec à la fin du 18ème siècle et ont migré vers le Bas Saint-Laurent pour s’installer à L’Îles Verte. Ils deviendront gardien du premier phare maritime érigé sur le fleuve Saint-Laurent (1809), sur l’Île verte, et tiendront ce poste de gardien de phare, de père en fils, durant 4 générations. Mais ont-ils choisi de quitter l’Écosse ou ont-ils été forcé à l’exil, chassé du pays ?

Comment concilier ses différents aspects ? J’aimerais pouvoir mettre en parallèle ces deux pistes de recherche afin d’engager un véritable dialogue avec un auteur, avec des écossais afin de créer un ensemble qui saura traduire, dans un esprit poétique, ma démarche entre l’histoire et le présent.

Bertrand Carrière

Glasgow